Certains croient que le travail d’un notaire est routinier et monotone. Détrompez-vous ! Il n’y a pas 2 dossiers pareils, que ce soit en raison des particularités des dossiers ou en raison des gens impliqués. Peut-être me trouverez vous un peu dingue mais plus le dossier est complexe, plus j’apprécie mon travail de notaire. Voici donc quelques dossiers dont je devrais me souvenir tout au long de ma pratique, soit parce que je suis fière de les avoir menés à terme, soit parce qu’ils m’ont particulièrement touchée :
- L’annulation d’une copropriété divise. Un ancien bâtiment municipal avait été converti en 2 condos et occupé par 2 copropriétaires pendant un certain nombre d’années. Lorsque l’un des copropriétaires a décidé de vendre son appartement, l’autre copropriétaire lui a racheté son condo et a de nouveau converti le bâtiment, cette fois en un immeuble résidentiel unifamilial. Il fallait donc annuler la déclaration de copropriété et tous les droits qui y étaient créés ainsi que dissoudre le syndicat de copropriété. Ce qui n’a pas eu lieu fréquemment au Québec dans les derniers 20 ans.
- L’annulation d’une centaine de milliers de dollars en droits de mutation (taxe de bienvenue) et en intérêts imposés par une ville à un client qui avait repris quelques immeubles en vertu d’un droit de résolution. Le client avait vendu à un acheteur quelques condos commerciaux, l’acte de vente comportant un solde de prix de vente garanti par une hypothèque et une clause résolutoire. Cette dernière permet à un vendeur dans les premiers 5 ans de la vente de reprendre l’immeuble vendu si le solde de prix de vente n’est pas payé selon les conditions prévues et cette reprise se fait rétroactivement, c’est-à-dire comme si l’acte de vente n’avait jamais existé. L’acheteur n’ayant pas payé le solde de prix de vente selon les conditions prévues, le vendeur s’est prévalu de la clause résolutoire. Entretemps, la ville avait facturé la taxe de bienvenue à l’acheteur qui ne la paya pas. Je suis donc intervenue auprès de la ville pour leur démontrer que légalement, aucune taxe de bienvenue ne pouvait être facturée pour des transactions qui étaient réputées ne jamais avoir eu lieu. Les factures furent rapidement annulées par la ville à la suite de mon intervention.
- L’annulation de quelques milliers de dollars en droits de mutation imposés par une ville à un client alors que celui-ci bénéficiait de par la loi d’une exonération pour les transactions immobilières effectuées. Ce dossier a dû être tranché par le tribunal mais j’ai épaulé mon client et son avocat dans le processus même si certains pourraient prétendre que je n’avais aucune obligation à cet effet, surtout que l’assistance apportée ne fut pas facturée. Le tribunal a reconnu dans ce dossier que l’interprétation de la ville de la loi sur les droits de mutation (taxe de bienvenue) était erronée et que le client devait bénéficier des exonérations que j’avais indiquées dans les actes de vente. Le client fut rapidement remboursé par la ville à la suite du jugement.
- La mise à jour des titres de propriété d’un immeuble sur plus de 50 ans. Le titre de propriété d’un immeuble était toujours au nom d’une personne décédée dans les années 1950 qui avait légué tous ses biens à une autre personne elle-même décédée dans les années 1970 et dont un des héritiers étaient lui aussi décédé mais récemment, certains autres héritiers étant non-résidents du Canada. Cet immeuble commercial devait ultimement être donné à une municipalité pour un projet communautaire en conformité avec les lois fiscales et sans garantie quant aux possibles risques de contamination environnementale.
- Mon premier dossier de procédures non contentieuses. Il s’agissait d’une demande de radiation judiciaire. Un client désirait vendre un immeuble sur lequel était inscrite une hypothèque en faveur d’une compagnie n’existant plus qui de ce fait ne pouvait pas signer une quittance (document par lequel le créancier hypothécaire reconnaît avoir été payé et demande au Registre foncier de canceller l’inscription de l’hypothèque en sa faveur). Comme il s’agissait de mon premier dossier présentable au tribunal, j’avais porté une attention particulière à bien rédiger la requête pour que le juge comprenne aisément la nature du dossier et que tous les documents pertinents lui soient fournis. Évidemment, la requête ne plaidait pas le droit, c’est-à-dire que je n’expliquais pas dans la requête les dispositions de la loi faisant en sorte que la requête était requise et fondée. Quelle ne fut pas ma surprise le jour de la présentation devant le tribunal quand mon tour fut venu et que le juge m’a demandé de laisser tous les autres avocats et notaires passer avant moi. Une fois seule dans la salle du tribunal avec le juge, il m’a demandé de le suivre dans son bureau pour un entretien privé. Quel entretien consista finalement à lui expliquer le droit ! Une notaire qui doit expliquer la loi à un juge ! Le jugement en faveur de mon client ordonnant la radiation de l’hypothèque suivit quelques semaines par la suite.
- Ce règlement de succession qui impliquait un client se croyant divorcé de la personne décédée alors qu’il y était encore marié. Le jugement de divorce entre eux ayant été prononcé par le tribunal seulement 2 semaines avant le décès de l’un d’eux, il n’était jamais entré en vigueur. En effet, un jugement de divorce n’est valide que 30 jours après avoir été rendu par le tribunal. Quand le divorce est finalement valide, les legs en faveur de l’ex-époux dans le testament de la personne décédée sont automatiquement annulés. Dans ce cas, les legs en faveur du client n’avaient pas été annulés puisque le divorce n’était pas en vigueur. D’autres particularités étaient également présentes dans le dossier mais je ne peux les divulguer sans compromettre la confidentialité du dossier à laquelle je suis tenue comme notaire.
- Ce dossier dans lequel l’avocat du vendeur bloquait la vente d’un immeuble par son client à mon client parce qu’il avait publié un avis d’hypothèque légale sans droit sur un autre immeuble appartenant à mon client et qui devait servir pour le financement. L’avocat nous reprochait de retarder indûment la transaction alors que c’est l’hypothèque non valable en sa faveur qui empêchait d’obtenir les fonds requis pour payer le prix de vente à son client. Son hypothèque n’était pas valable parce qu’elle résultait de sommes qui lui étaient dues par une personne qui n’était pas propriétaire de l’immeuble sur lequel il avait publié son hypothèque. Le nouveau créancier hypothécaire refusait toutefois de prêter les fonds, à juste titre, tant que cette hypothèque n’était pas annulée.
- Le premier dossier que j’ai fait après avoir ouvert mon bureau. J’ai rencontré un client à l’hôpital qui devait faire son testament. Il souffrait d’un cancer en phase terminale et est décédé moins de 2 semaines plus tard.
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